Chers Frères et Sœurs,
Nous célébrons aujourd'hui le 27ème Dimanche de temps ordinaire, et nous fêtons Saint François d'Assise, Diacre.
Bonne fête à tous les François.
Et comme François, j'ai été ordonné diacre : c'était dimanche dernier. C'est pour cela que je suis devant vous aujourd'hui pour le service de la Parole. L'option préférentielle des pauvres trouve sa raison dans la Parole de Dieu, et depuis son institution par le Christ lui-même, notre église a toujours été très attentive aux pauvres. Et l'étranger, le migrant est un pauvre par excellence, car c'est un être fragilisé du fait qu'il se trouve loin de sa base familiale, loin de son foyer.
La mission qui m'a été donnée par notre évêque est d'être auprès des migrants de notre diocèse avec une attention particulière pour les prêtres africains qui viennent dans notre diocèse pour aider à la mission. Même si les médias profanes disent que la pratique religieuse est en recul, la parole de Jésus à ses disciples demeure encore d'actualité :
"La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux ; priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson".
C'est pour cela que de jeunes prêtres africains arrivent dans nos paroisses pour aider à la moisson.
Cette mission je la reçois et je la porte avec vous. Nous la présenterons ensemble tout à l'heure après la communion à l'intercession de la Vierge Marie, dans cette église "de la nativité de Notre Dame" qui lui est dédiée.
En préparant cette homélie, je me suis dis que j'allais prendre un exemple tiré des maths, le raisonnement par l'absurde, pour nous éclairer. Il consiste à poser une hypothèse de départ, ensuite à dérouler le raisonnement, et si on aboutit à une contradiction ou une erreur, on conclut que c'est l'hypothèse de départ qui est fausse. Il suffit alors prendre le contraire de l'hypothèse de départ pour avoir le bon résultat. Est-ce que vous me suivez ?
Et, je me suis rappelé qu'à ce même ambon, le père Jean-Baptiste Armnius s'était fait un malin plaisir de nous expliquer que le père Amaury n'aimait pas les mathématiques (et je le dis avec mes mots). J'ai quand même gardé mon homélie, en me disant qu'il s'en accommoderait.
Tout d'abord j'en profite pour le remercier avec mon épouse et nos enfants pour sa présence, son soutien, son amitié, sa confiance durant notre cheminement vers le diaconat. Et je le remercie aussi d'avoir accepté de venir présider cette eucharistie, malgré une rencontre de doyenné à Sainte Claire.
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Dans l'évangile que nous venons d'entendre, les paroles de Jésus peuvent nous mettre mal à l'aise.
Oui, on peut être heurté lorsqu'on entend dire, de manière aussi tranchée comme le dit l'évangile d'aujourd'hui
"Que celui qui a renvoyé sa femme pour en épouser une autre est coupable d'adultère envers elle."
Et réciproquement
"Si une femme a renvoyé son mari et en épouse un autre, elle est coupable d'adultère ".
Car nous connaissons tous des couples divorcés ou divorcés remariés ou des couples qui sont dans la tempête. Nous connaissons les blessures et les douleurs que portent ces personnes et aussi leurs enfants. Certaines se retrouvent dans une situation qui les empêche d'accéder aux sacrements. Conscients de ces douleurs, il nous donc très difficile de les condamner comme adultères.
A cause de cela, certains préfèreraient que l'église avec son évangile, régulièrement traitée d'ignorante et d'intolérante, ne parle pas comme cela, qu'elle se taise, et ferme les yeux. On entend dire ici ou là : "C'est du domaine de la vie privée, c'est du domaine de ma liberté et donc personne ne doit en parler". Souvenons-nous encore récemment des propos sur le préservatif avec le Saint Père.
Et ce mal à l'aise peut nous pousser à nous poser la même question que l'esprit impur en Mc 1,24 "Jésus de Nazareth, es-tu venu pour nous perdre ?", cette question sera donc notre hypothèse de départ dans le raisonnement par l'absurde que je vous propose.
Mais par notre foi, nous savons que l'Evangile, la Parole de Dieu, c'est le Christ lui-même, sorti du Père. Nous savons que nous devons le recevoir tout entier, et donc que sa Parole n'a pas à nous heurter.
Un principe de la lecture de l'écriture sainte est que : lorsque la parole de Dieu nous heurte, c'est en réalité qu'elle a touché quelque chose au plus profond de nous-mêmes. Elle a touché notre être spirituel qui est le lieu intérieur de la rencontre intime avec Dieu. Et bien souvent l'esprit malin utilise ce choc pour nous disperser et pour nous empêcher d'aller plus loin dans la communion avec cette parole.
Comme Saint Paul nous l'a redit dans la lettre aux hébreux que nous avons entendu en deuxième lecture : "Jésus est à l'origine du salut de tous. C'est lui qui sanctifie et nous, les hommes qui sont sanctifiés, sommes de la même race". Un jour, un jeune de Jouy le Moutier à qui le père Damien Noël demandait qui était Jésus pour nous lui a répondu en disant "nous faisons partie de la bande à Jésus". Sa parole ne doit donc pas nous heurter.
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Frères et sœurs
Qui donc est Jésus pour nous parler ainsi ?
Mais est ce que Jésus veut vraiment nous culpabiliser avec ce péché d'adultère ?
Non, c'est donc que notre hypothèse de départ est fausse.
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Mais avant d'attaquer les paroles de Jésus, prenons toute notre liberté, mais prenons aussi toute notre responsabilité et voyons :
 Dans nos communautés :
Comment faisons-nous la préparation au mariage ?
Comment expliquons-nous à nos jeunes, à nos enfants l'importance du corps, l'importance du don de soi, l'importance de la fidélité, l'importance de l'engagement, l'importance de vivre selon le projet de Dieu ?
 Dans nos maisons, dans nos familles :
Où en est le dialogue entre les parents et les enfants ?
La maman ou le papa ont-ils encore un mot encore à dire sur le mariage de leurs enfants ?
Où en est notre confiance en Dieu, notre abandon en Dieu ?
 Dans notre société :
Les fiançailles existent - elles encore chez nous?
Ce temps que les futurs époux prenaient pour se découvrir, pour apprendre, de manière sérieuse, la vie à deux avant de s'engager définitivement. Mon épouse et moi-même avons été émerveillés de rencontrer lors d'une de nos retraites dans une abbaye un jeune couple de chrétien qui faisait une retraite dans le cadre de leur préparation au mariage.
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Chers amis, pour bien entendre ce que Jésus veut nous dire aujourd'hui, reprenons le texte d'Evangile.
 Dans la première partie, les pharisiens abordent Jésus pour le mettre à l'épreuve, comme le Diable, à la sortie du désert. Ils lui posent la question sur la répudiation, et Jésus, en spécialiste et dépositaire de l'écriture sainte, au lieu de leur répondre directement, les renvoie à l'écriture sainte comme avec le Diable « Que vous a prescrit Moïse ?».
Nous aussi Jésus, nous renvoie à l'écriture sainte, pour mieux comprendre sa parole (Invitation à la lecture de la Parole de Dieu dans nos foyers, dans nos familles).
 La seconde partie se passe au retour à la maison, à Capharnaüm, là où Jésus dit des paroles fondamentales. Et on voit comme à son habitude l'évangéliste Marc, se faisant un malin plaisir à montrer que même les apôtres ne comprennent pas ce que les paroles de Jésus, puisqu'ils lui reposent la même question une fois arrivé à la maison.
C'est aussi un encouragement que nous fait l'évangéliste Marc : Nous n'avons pas à rougir si parfois nous aussi nous ne comprenons les paroles des Jésus.
Et Jésus avec la même bienveillance que Dieu son père, leur explique l'importance de l'union entre l'homme et la femme. Comme à son habitude, il va même au-delà de la question posée sur la répudiation et aborde la question du remariage pour souligner et montrer à ses disciples, l'importance de l'alliance entre un homme et une femme, alliance qui vient du projet d'amour de Dieu pour l'homme.
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Sans vouloir aborder ce matin la théologie du mariage, nous pouvons quand même souligner que contrairement à ce qui dit ici ou là, dans des situations graves et difficiles, notre église peut être amenée à annuler un mariage, selon des critères stricts qui relèvent l'un de Saint Pierre, et l'autre de Saint Paul. Et les personnes concernées peuvent être autorisées à se remarier.
Mais nous nous devons d'accueillir dans nos paroisses, aujourd'hui, dans nos paroisses, avec la charité même du Christ, nos frères et sœurs blessés qui se trouvent dans une situation de divorce.
Et enfin la troisième et dernière partie nous est donnée comme une conclusion par Jésus, sur la manière d'accueillir le royaume de Dieu.
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Frères et Sœurs, pour accueillir la parole de Jésus comme une lumière et comme un point de repère pour notre vie, il faut en entendre toute la force spirituelle.
Encore des maths, Père Amaury ?
Je ne vous tiens plus en haleine plus longtemps, la clef de lecture de cet évangile tient en un seul mot, un seul chiffre, le premier des nombres entiers : c'est UN.
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Jésus cite le livre de la genèse et dit :
"Mais, au commencement de la création, il les fit homme et femme.
A cause de cela, l'homme quittera son père et sa mère,
il s'attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu'un.
Ainsi, ils ne sont plus deux, mais ils ne font qu'un."
Et il poursuit : "Donc, ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas !"
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Ce mot UN, on le trouve dans la grande prière de Jésus dans l'évangile de Jean au chapitre 17, 21 : où Jésus prie son Père pour l'unité de ses apôtres et pour l'unité de l'Eglise "pour qu'ils soient UN comme (toi et moi) nous sommes UN".
Ce mot UN, nous le trouvons aussi dans la première lecture d'aujourd'hui. Lecture que nous lisons aussi lors de la vigile pascale, la nuit au cours de laquelle l'église fait renaître à la vie nouvelle par la grâce du baptême des hommes nouveaux.
Qui donc est Dieu pour nous aimer ainsi ?
Quel est donc ce projet d'amour de Dieu pour l'homme ?
Cet extrait du livre de la genèse qui n'est pas un conte mais un écrit théologique nous fait découvrir l'amour de Dieu pour l'homme, comme une mère prend son enfant, Dieu prend l'homme avec tendresse et amour, et le met au milieu de la création. Et il se met à chercher avec lui, ce qui est bien pour son bonheur.
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Et nous le savons bien, il n'y a pas très longtemps encore, au siècle dernier, ici même dans les pays dévegloppés, on ne comptait pas les femmes et les enfants. La femme ne votait pas, la femme ne comptait pas. Ne parlons pas de sa situation en Asie ou en Afrique. La femme n'avait pas de droit. Dans certains pays, elle ne l'a toujours pas encore.
Mais ici plus de 1000ans avant la venue de Jésus, un sage théologien nous dit que, dans le peuple de Dieu, la femme est présente dans le projet de Dieu, dès le début de la création. Notre Dieu recherche donc le bonheur de l'homme et de la femme, qu'il a crées tous deux à son image.
Et le sage théologien continue à développer pour notre compréhension, le projet de Dieu par ces paroles que cite Jésus :
"L'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu'un."
Pour bien souligner que la sexualité fait partie du projet de Dieu, qu'elle est bonne et qu'elle est une donnée très importante du bonheur de l'homme et de la femme. C'est par elle que tous deux vont poursuivre la création.
Enfin Dieu ne propose pas au couple humain une sexualité assujettie, une domination de l'un sur l'autre. Même si l'homme reconnaît que la femme est sa plus proche, et le sage théologien lui fait dire à juste titre "Cette fois-ci, voilà l'os de mes os et la chair de ma chair" : L'homme n'est pour rien, dans la venue de la femme. Il la reçoit de Dieu comme un cadeau. Pour l'homme, la femme est un don précieux du ciel. Et la délicatesse du texte est extraordinaire pour l'exprimer : "Dieu fit tomber sur lui un sommeil mystérieux". C'est Dieu qui agit, l'homme dort, il dort d'un "sommeil mystérieux", comme s'il était entré dans une "extase" au moment où Dieu fait naître la femme de lui.
Et un autre sage en rajoute dans le psaume que nous avons chanté :
"Ta femme sera dans ta maison comme une vigne généreuse".
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Pour l'homme, la femme est un cadeau de Dieu, un don du ciel.
De plus elle est du corps de l'homme. L'homme doit donc l'aimer comme lui-même. Sans elle, l'homme ne peut pas vivre heureux et l'humanité ne serait pas complète.
Le projet de Dieu, le dessein de Dieu, est donc qu'il soit UN, comme il est UN avec le Fils, et comme le Fils est UN avec l'Eglise. Qu'il soit UN à l'image de l'amour de Dieu Trinité.
Et nous, aujourd'hui, que faisons nous de ce cadeau précieux reçu de Dieu. Bien souvent dans nos couples, dans nos familles, l'homme est gagné par la tentation de l'emprise.
"Comme ma femme m'aime" se dit-il, "je dois avoir de l'emprise sur elle, je dois la posséder, je dois la dominer".
"Comme c'est moi qui fait manger la famille" se dit-il, "elle me doit tout".
De la même manière, ici ou là on entend dire aussi "c'est mon homme", la femme comme tout être humain veut avoir sa part d'emprise sur son mari, "il est à moi, personne ne doit lever les yeux sur lui".
De même, les parents veulent avoir de l'emprise sur leurs enfants, sur les jeunes surtout s'ils habitent encore à la maison.
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Et l'esprit malin en profite et s'engouffre dans de cette faille ouverte par le péché de l'emprise pour endurcir notre cœur, comme le cœur des pharisiens :
- Un cœur fait pour dire des paroles magnifiques et merveilleuses au premier temps de l'amour, ne dit plus que des paroles dures et amères ;
- Un cœur fait pour écouter, n'écoute plus rien, n'entend plus rien ;
- Un cœur fait pour aimer n'aime plus ;
C'est pourquoi Jésus nous présente l'exemple de l'enfant et nous invite à être comme un enfant pour pouvoir accueillir le royaume de Dieu. Rappelons-nous qu'à l'époque de Jésus, l'enfant était un être sans droit, un être qui ne se possédait même pas lui-même, un être qui n'a d'emprise sur personne.
Jésus veut nous dire que :
- La grandeur de l'amour conjugal est de manifester aux yeux du monde l'amour du Dieu Trinité, amour du Père avec le Fils qui ne font qu'UN dans l'Esprit.
- Que cet amour divin est capable de transformer notre amour humain en un amour divin, fort, unique et fécond.
- Que c'est bien l'amour de Dieu qui unit l'homme et la femme, et que ce que Dieu a uni, même nos manques d'amour, nos infidélités, nos faiblesses, notre péché, ne peuvent porter atteinte à ce fondement.
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Loin de nous enfermer dans nos retranchements, Jésus nous invite à la confiance quant à la réussite de notre vie familiale, car elle n'est pas simplement le résultat de notre seule bonne volonté. Comme la femme pour l'homme, nous la recevons de Dieu. La vie familiale est don de Dieu. C'est pourquoi Jésus nous en parle avec autant de sérieux.
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On comprend mieux aussi pourquoi l'Eglise invite celui qui représente le sacerdoce du Christ au milieu de son peuple à s'engager au célibat pour nous signifier que le chemin vers la sanctification à la suite du Christ passe par ce refus d'emprise sur qui que ce soit, sur quoi que ce soit. Nous pouvons prier en cette année sacerdotale pour nos prêtres, témoins de cette non-emprise au milieu du peuple chrétien.
Jésus nous invite donc à ne plus avoir de cette emprise de l'un sur l'autre, des uns sur les autres. Par son Evangile, il appelle à une discipline de vie, à un sérieux ; celui ou celle qui veut s'engager dans le mariage car cette personne est appelée à être l'icône de l'amour du Père et du Fils.
Et le Seigneur sait que nous ne pouvons pas y arriver que par nos seules forces :
 c'est pourquoi il nous invite à avoir dans la prière une relation de confiance avec Dieu pour ne pas succomber au péché de l'avoir et de l'emprise ;
 c'est pourquoi il donne sa force et sa miséricorde dans le sacrement de réconciliation ;
 c'est pourquoi il nous rassemble chaque dimanche pour être nourris, et rassérénés par son eucharistie qui donne sa vie, qui nous rend capable de vivre selon le projet de Dieu.
Loué soit Jésus-Christ, dans les siècles des siècles AMEN.
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